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Du screening aux relations investisseurs, le private equity fait sa révolution digitale

Les gérants de private equity sont sommés de répondre à des exigences croissantes de réactivité, depuis l’analyse financière ou ESG jusqu’aux relations investisseurs toujours plus exigeantes en termes de transparence, de précision et de délais. Pour y parvenir, les sociétés de gestion sont de plus en plus nombreuses à exploiter le potentiel offert par les nouvelles technologies.

Le temps, c’est de l’argent

Tout part de l’identification, au bon moment, des entreprises susceptibles de représenter de bons investissements[1]. « Les entrepreneurs, quand ils voient du rendement dans quelque chose qui leur plaît et dont le sous-jacent correspond à leur culture, ils ont tendance à foncer, explique Nicolas Eschermann, directeur des Relations investisseurs chez Siparex, chargé en particulier des opérations de levée de fonds. Il en résulte un temps de prise de décision qui est plus court que celui d’un LP (limited partner) traditionnel. » Ce sont ces entrepreneurs cherchant à se développer que les fonds de private equity traquent pour les investisseurs. Mais l’approche humaine ne suffit plus. Pour répondre aux besoins d’information des investisseurs sur les cibles potentielles, les responsables RI ont donc dû ajouter une corde à leur arc : les nouvelles technologies.

Parmi elles, l’intelligence artificielle aiguise les appétits et s’est logiquement inscrite dans l’arsenal des outils destinés aux investisseurs. Parmi les sociétés de capital-investissement français, Ardian a vite identifié les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Dès 2017, Ardian a fondé son Digital Think Tank afin d’intégrer l’intelligence artificielle aux processus de décision[2]. « Nous avons maintenant la possibilité de prendre en compte et d’absorber une quantité d’informations plus importante qu’avant, ce qui représente un potentiel incroyable d’amélioration des compétences humaines, notait alors Mathias Burghardt, responsable d’Ardian Infrastructure et directeur du Think Tank Digital.

La vitesse à laquelle cette technologie évolue impressionne. Il est plus important que jamais de la comprendre pour anticiper son impact potentiel sur nos activités. » Chez Ardian, cette stratégie s’est ensuite traduit, en 2020, par le lancement du portail Trustview, sous forme d’un portefeuille numérique permettant aux investisseurs de suivre leurs opérations en toute transparence et surtout en toute sécurité : « Trustview Ardian illustre parfaitement notre recours au digital pour gagner en efficacité et améliorer les services proposés à nos investisseurs », se félicite Mathias Burghardt. Les nouvelles technologies permettent ainsi à ce fonds français de private equity d’être plus performant dans la qualité des rapports que son équipe RI publie et de réduire les délais de réponse aux nombreuses demandes des investisseurs. L’adage « Le temps, c’est de l’argent » prend donc ici tout son sens.

Tous les fonds d’investissement sont aujourd’hui sur la même longueur d’ondes : l’analyse des données est devenue centrale pour la gestion des relations investisseurs[3]. « Le private equity se trouve actuellement dans une période charnière passionnante, souligne Yann Magnan, directeur général de 73 Strings, une société d’analyse financière. Bien que disposant de montants importants de capitaux à investir dans l’économie, les sociétés de gestion se trouvent confrontées à une forte concurrence, mais aussi à un environnement économique marqué par les conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19. » Si les périodes de ralentissement des économies sont généralement propices aux bonne affaires, encore faut-il avoir les capacités de dénicher les pépites sur court préavis, nombre d’investisseurs étant sur la brèche.

C’est ici que l’intelligence artificielle peut par exemple entrer en scène, comme une aide à la décision fondamentale pour les investisseurs.  « Beaucoup d’algorithmes existent et peuvent, si vous avez une bonne équipe, être agrégés les uns aux autres pour réaliser certaines tâches, poursuit Yann Magnan. Les algorithmes traitent des volumes de données que l’homme ne peut pas résoudre sans eux. » Leur usage se répand d’ailleurs à grade vitesse et bien au-delà des seuls fonds consacrés aux valeurs technologiques. De manière générale, les innovations technologiques prennent désormais d’assaut un secteur considéré jusque-là comme peu « technophile ».

Innovations permanentes

Chez Jolt Capital, une autre société de private equity tricolore, le département recherche et développement a par exemple mis au point un logiciel maison baptisé Ninja pour mieux appréhender l’environnement des entreprises[4]. « Ce logiciel nous permet d’aller chercher de l’information partout et d’être toujours présent là où on ne nous attend pas, explique Philippe Laval, docteur en intelligence artificielle et CTO de Jolt Capital. Ce logiciel a trois fonctions : il parcourt le web pour agréger les informations publiques ou semi-publiques sur une société, grâce à des algorithmes de traitement de langage naturel, il analyse la manière dont une entreprise s’inscrit dans son écosystème et enfin, il analyse toutes les décisions des partenaires. » Là aussi, l’objectif est d’aller vite et d’être le plus pertinent possible dans la remontée d’informations afin d’orienter les investissements vers les entreprises les plus prometteuses.

Les start-ups françaises ne sont pas en reste. L’une d’elles, SESAMm, s’est déjà faite un nom dans le domaine de l’analyse financière avec ses outils Text Reveal ou Signal Reveal qui scannent le web pour en extraire les informations destinées à la gestion d’actifs[5]. « On évalue la pertinence d’un investissement dans une société ou pour un secteur d’activité précis, assure Florian Aubry, l’un des cofondateurs de cette start-up née à Metz en 2014. Avec ces nouvelles technologies, il y a peu de limite à ce que l’on peut faire, en particulier pour les investissements en private equity, avec une vitesse de traitement des données inégalée. »

Pour boucler la boucle, ces entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies – intelligence artificielle et deep learning en tête – font parties des cibles prioritaires des investisseurs faisant appel aux fonds de private equity. Dernier exemple en date, fin 2021 : la prise de participation des fonds Ardian et Cathay Capital dans Artefact[6], le spécialiste français d’analyse et de traitement de données, dans le but de « créer un champion mondial français des services data », comme l’a annoncé Vincent Luciani, son PDG. C’est ainsi tout l’écosystème du private equity qui en bénéficiera : les fonds d’investissement, les entreprises de la French Tech mais surtout les investisseurs eux-mêmes.

[1] http://www.magazinedesaffaires.com/wp-content/uploads/2019/04/MDA-141-Spe%CC%81cial-Capital-Prive%CC%81-2019.pdf

[2] https://www.ipem-market.com/wp-content/uploads/IPEM2019_ARDIAN-Rapport.pdf

[3] https://www.cfnews.net/L-actualite/Marche-General/Paroles-d-expert/Creer-de-la-valeur-avec-l-intelligence-artificielle-c-est-possible-!-351963

[4] https://soundcloud.com/user-143050290/lia-pour-le-private-equity-philippe-laval-de-jolt-capital

[5] https://www.usine-digitale.fr/article/sesamm-leve-7-5-millions-d-euros-pour-exporter-son-outil-de-prediction-de-tendance-des-marches-financiers.N1062364

[6] https://www.zonebourse.com/cours/action/ARTEFACT-32732/actualite/Artefact-Nous-souhaitons-creer-un-champion-mondial-francais-des-services-data-Vincent-Luciani-37461565/

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